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Cinq questions à Claude Chollet - L'observatoire du journalisme, par Louise et Michel, étudiants à l'ISSEP

5 questions à … Claude Chollet

5 questions à … Claude Chollet

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5 questions à ... Claude Chollet

L'OBSERVATOIRE DU JOURNALISME (OJIM)

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C

Comment l’Ojim est-il né, à quoi correspond cet acronyme, et quels objectifs poursuit-il ?

En 2012 j’avais été agacé des partis pris des médias au moment de l’élection présidentielle et plutôt que de ronchonner dans mon coin, j’ai résolu de créer un instrument qui permettrait de scruter l’envers du décor de la scène médiatique et de noter certains de ses a priori. À l’ère digitale le plus simple était de créer un site internet que je voulais appeler Observatoire des médias. Le titre était déjà pris par un site fort médiocre mais bénéficiant de l’antériorité. J’ai donc choisi OJIM Observatoire des Journalistes et de l’information médiatique, un titre un peu redondant mais facile à retenir. En 2017 nous avons gardé l’acronyme OJIM mais sommes devenus L’Observatoire du journalisme, qui donne un angle plus large. L’objectif est « d’informer sur ceux qui vous informent ». Il n’y a pas d’information neutre, toute information est un produit transformé, mis en scène. Un fait brut qui n’est pas transmis n’est pas une information. Ce processus de transformation est fait par des médians, les journalistes eux-mêmes insérés dans différents environnements, politique, économique, éducatif, historique. On ne peut demander à un journaliste – ni à quiconque – d’être objectif, chacun à son histoire, son éducation, son milieu, la subjectivité ne peut être évitée. Par contre le comportement du journaliste doit tendre à la loyauté, à l’honnêteté vis à vis du réel. C’est peu dire que cette exigence basique de loyauté est peu répandue en France. Je ne généralise pas, dans la règle des 20/80 il y a sûrement au moins 20% de journalistes loyaux ou qui voudraient l’être. Parmi ces 20% une partie voit cette loyauté entravée par les actionnaires des médias, leur hiérarchie, la pression de leurs collègues, une forme de précarité et la peur du qu’en dira-t-on. Les autres ronronnent entre eux, dans des conditions économiques variées, allant de la totale précarité au vedettariat avec toutes les étapes intermédiaires sur le plan de leur statut financier ou symbolique. Tout ceci donne un paysage global monocolore, libéral libertaire, avec des nuances à l’intérieur d’une même tonalité. Plus ou moins libéral sur le plan économique, nettement plus libertaire sur le plan sociétal. Le libertarisme en ce cas devient le cache sexe d’un libéralisme financier sans frontières (en dehors de celles de l’argent qui n’en connaît que peu). Comme l’AFP et les écoles de journalisme sont dans le même moule, le produit final apparaît aplati, toujours dans le même sens, et où certains thèmes (immigration, insécurité, multiculturalisme) ne doivent pas être abordés sous menace de mise au ban. Ou alors être traités selon des codes convenus que nul ne peut transgresser s’il veut progresser professionnellement ou simplement garder son emploi. Dans ce domaine la meilleure censure est toujours l’autocensure, sous le regard des autres. Chacun est surveillé et surveillant. Comment « informer sur ceux qui vous informent » ? Comme tout bon artisan nous avons besoin d’outils. Tout d’abord les portraits de journalistes, factuels, au plus près du réel. Nous ne ferons pas le portrait des quelques 37000 cartes de presse, nous nous intéressons aux vedettes ou à ceux qui sont dans l’actualité. Un peu plus de 200 portraits à ce jour, régulièrement actualisés. Les infographies de groupes de médias ensuite, qui possède, qui dirige, qui produit l’information. Une trentaine à ce jour, souvent utilisées dans différentes écoles, avec ou sans mention de l’origine. Enfin de manière quotidienne nous jetons des coups de projecteur sur les manipulations en tout genre que l’on peut observer aussi bien à la radio, la télévision ou dans la presse écrite. Nous sommes ainsi un aiguillon pour que les médias remplissent leur mission : informer et non pas comme souvent nous éduquer. Nous levons le rideau et jetons un coup d’œil dans les coulisses. Et nous alertons sur les menaces grandissantes contre la liberté d’expression.

Quels sont les enseignements à tirer des observations réalisées par l’Ojim sur les médias, sur leur capacité à refléter l’opinion générale et à rendre compte des réalités rencontrées par les Français ?

Un grand nombre de journalistes – mais pas tous – sont en quelque sorte hors sol. Comme Raphaël Glucksmann (https://www.ojim.fr/portrait-raphael-glucksmann/) ou BHL ils se sentent plus près d’un intellectuel de New York ou de San Francisco que du lecteur de Limoges. Vivant souvent dans un entre soi étroit, passés par les mêmes écoles, lisant les mêmes livres, fréquentant les mêmes endroits, ayant les mêmes inclinations politiques, ils sont sortis du réel. Le réel résiste ? Eh bien c’est que le réel a tort ou qu’il est manipulé par les méchants. La figure du méchant est protéiforme, populiste, souverainiste, traditionnaliste, complotiste, souvent russe, ennemi du libéralisme libertaire, en un mot fasciste. Un processus moral qui permet de s’exonérer de toute culpabilité, ce sont les vilains qui sont coupables. Les vilains ce sont les diables mal intentionnés, qui s’opposent au camp du bien, lequel exprime une sorte d’essence angélique. La mode des infox/fake news va dans ce sens. Si les peuples votent mal c’est qu’ils ont été trompés par le camp du mal. S’il y a un camp du mal il doit être non pas combattu mais éradiqué, c’est le sens des nombreuses manœuvres contre la liberté d’expression des deux dernières années. Loi de contrôle des réseaux sociaux en Allemagne, copiée en France un an plus tard. Zèle des réseaux sociaux pour abroger les « discours de haine ou extrémistes ». Projets délirants de créer des tribunaux spéciaux statuant au pénal sans audience et sans contradiction (rapport Avia/Taïeb/Amellal remis à Emmanuel Macron en septembre 2018). C’est tout un pan idéologique de la société médiatique qui tente de se protéger du réel en marginalisant ou en éliminant ceux qui rappellent à la réalité.

Comment le monde médiatique réagit-il depuis qu’il est soumis à la concurrence d’Internet ?

De trois manières différentes. Il y a eu tout d’abord une sorte d’explication fourre tout vis à vis d’internet. Si les médias ont des difficultés c’est à cause d’internet. Ce qui est vrai sur le plan économique. Facebook et Google pompent entre 70 et 80% de la publicité numérique qui remplace la publicité traditionnelle. Ce qui est vrai aussi sur le plan déontologique. Le public ayant accès à d’autres sources d’information découvre certains aspects du réel qui sont mal traités dans les médias dominants ou passés sous silence. Dans un deuxième temps c’est le passage à la démonisation dont j’ai parlé en répondant à la question précédente. Pour que les horreurs populistes ne séduisent pas le bon peuple trompé par les infox, encadrons internet (Christian Barbier a déclaré « les Chinois y arrivent bien »), et accentuons nos efforts non pour informer le public mais pour le rééduquer. Enfin, la pression économique existant, tous les médias sans exception ont leur prolongement digital ou bien investissent massivement le secteur pour des raisons financières qui se comprennent aisément. Autre conséquence, les grands groupes se diversifient : conférences, congrès, croisières etc.

Un journalisme indépendant, respectueux des règles déontologiques et jouant un rôle de contre-pouvoir vous parait-il encore possible aujourd’hui, et sous quelles conditions ?

Rien n’est impossible et une forte minorité de journalistes s’efforcent à la loyauté et à l’honnêteté dans des conditions difficiles. Il faut commencer par le nerf de la guerre, sans lequel rien n’est envisageable. Si des aides indirectes (TVA réduite, tarifs postaux) semblent souhaitables il faut supprimer les aides directes dont profitent pour l’essentiel les grands groupes. A titre d’exemple l’addition des aides 2012/2017 pour les groupes médias de Bernard Arnault, du groupe Dassault ou de Niel/Pigasse dépasse les 200 millions d’euros. Les contribuables financent les médias des milliardaires qui n’ont pas investi pour des raisons de profit mais pour gagner de l’influence. Parallèlement, il faut diversifier les financements. Un premier pas a été constitué avec le nouveau statut de sociétés de presse coopératives. Accentuons ce mouvement en favorisant fiscalement encore plus ces entreprises. On pourrait imaginer qu’une participation sous forme de souscription ouvre droit (il pourrait y avoir un plafond à fixer) à une défiscalisation significative pour les particuliers (supérieure au 66% des dons aux associations) et déclenche en même temps un abondement de l’Etat de la même somme, ceci une fois pour toutes. Un système plus juste que l’aide à la diffusion qui ne profite qu’aux plus riches. On créerait ainsi des médias possédés par leurs lecteurs, la coopérative pouvant aussi recevoir des actionnaires industriels toujours minoritaires. Un autre chantier réside dans la transformation des écoles de journalisme qui dans leur grande majorité sont des écoles de bourrage de crâne. Il ne s’agit pas de les supprimer mais de les mettre en concurrence.

Comment, selon vous, faudrait-il faire évoluer le paysage médiatique français pour qu’il reflète plus fidèlement les opinions présentes dans la société française et réconcilier les Français avec leurs médias ?

Vaste programme, aurait dit le général. Les enquêtes annuelles de La Croix/Kantar indiquent que la défiance des français envers les médias s’accroît d’année en année. On ne changera pas cette situation d’un coup de baguette magique. Mais l’émergence de nouveaux médias dépendant de leurs lecteurs et non de subventions, et celle de nouveaux journalistes attachés à la loyauté et l’honnêteté permettra peut-être de remonter la pente. Il y faudra du temps et du courage. Autant commencer tout de suite.[/vc_column_text][vc_separator color="custom" border_width="2" el_width="20" accent_color="#b89e67"][vc_column_text css=".vc_custom_1555420431090{margin-right: 20px !important;margin-left: 20px !important;}"]

Louise et Michel, étudiants de l’ISSEP

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