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Article des étudiants | Quarante ans qui ont défait la société française

Article des étudiants | Quarante ans qui ont défait la société française

Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris I, publie chez Tallandier La France qui déclasse, livre dans lequel il analyse la question des Gilets jaunes et dépeint le portrait d’une France profondément en crise. Chômage de masse, violences sociales, crise de l’école, attentats. Une pression fiscale lourde, un déficit public considérable et des fonctions régaliennes mal assurées. La justice française est au dernier rang d’Europe, la situation de l’armée, des policiers et des prisons est un désastre, les crédits accordés aux affaires étrangères ont été divisés par deux.

La France est en crise et ses élites ont fait sécession, délaissant les classes populaires victimes des bouleversements de la désindustrialisation et de la « mondialisation heureuse » tant prônée par ses dirigeants. Cette France oubliée, méprisée et déclassée, c’est celle des Gilets jaunes. Durant les quarante dernières années, le tout tertiaire et la primauté à la financiarisation, en plus d’avoir permis la vente des fleurons de l’industrie nationale, ont fait disparaître 6 millions d’emplois agricoles et 3,5 millions d’emplois liés à l’industrie. La société industrielle qui donnait à ses hommes un salaire et une dignité s’est effondrée, entraînant avec elle la désagrégation sociale, familiale, morale et culturelle. Chassée des grandes métropoles par l’envol des prix de l’immobilier, cette classe populaire a perdu son caractère hégémonique sur la société. Installée dans la France périphérique, avec ses ronds-points et ses rocades sans âme, ses cités pavillonnaires uniformes et ses entrepôts métalliques par millions, abandonnée par les services publics et les élites sociales.

Pour couronner le tout, l’influence de la sous-culture de masse américaine, de la grande distribution et de la restauration de masse avec ses produits ultra-transformés, la destruction des anciens jardins et la disparition des cafés a ôté une partie des choses simples qui rendaient la vie plus douce dans ces territoires. A défaut d’être comprise, cette France est moquée et sous-représentée : devenue quasiment invisible pour les élites des grandes métropoles. Sans espérance d’ascension sociale, spectatrice de la vie des autres, elle s’est révoltée pour ne pas disparaître.

Mais il est possible de rebâtir l’avenir des perdants de la mondialisation. Choix budgétaire, réindustrialisation et reprise en main du destin technologique de la France, priorité nationale à l’embellissement dans l’aménagement du territoire et restauration du patrimoine architectural. Il est impératif de redéployer les emplois et les activités publiques au profit des villes petites et moyennes pour y implanter universités, casernes, hôpitaux, maisons de retraite et centres sociaux. Enfin, il est nécessaire de défiscaliser la production agricole pour les plus en difficulté afin de maintenir et installer une agriculture paysanne rentable et productive. Amer de réalisme, brillant de pertinence, un ouvrage qui propose de sortir des analyses strictement économiques pour se concentrer sur la vie de ces Français depuis trop longtemps oubliés.

 

Pierre Vermeren
La France qui déclasse
Tallandier, 2019
192 pages, 16,90 euros.

 

Pierre,
étudiant en Bac+4 à l’ISSEP
publié dans Présent