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Article des étudiants | “Super Tuesday” : la présidentielle américaine, comment ça marche ?

Article des étudiants | “Super Tuesday” : la présidentielle américaine, comment ça marche ?

La primaire pour déterminer qui sera l’adversaire démocrate de Donald Trump en novembre prochain bat son plein : les électeurs de 14 États sont invités à se prononcer ce mardi, jour du “super tuesday”. L’occasion de faire le point sur les rouages de l’élection américaine.

 

Quatre ans après la victoire retentissante de Donald Trump, les élections battent de nouveau leur plein outre-Atlantique. En pleine primaire, les électeurs américains de chaque parti devront élire dans les prochains mois le candidat qui les représentera à l’élection présidentielle. L’élection américaine peut cependant décontenancer tant elle diffère de ce que nous connaissons en France. Quelles sont ses grandes étapes ? Comment se déroule la primaire ? Que sont les « swing states » et le collège électoral ? Autant d’éléments à maitriser pour comprendre le déroulement de cette lutte pour la Maison Blanche.

 

Quelles sont les grandes étapes de la présidentielle américaine ?

La première étape de la présidentielle de 2020 pour les Républicains et les Démocrates, les deux principaux partis autour desquels se centralise la vie politique des États-Unis, consiste à organiser de chaque côté une primaire en vue d’élire le candidat qui représentera son parti lors de l’élection générale : la course présidentielle à la Maison Blanche. Elle a démarré le 3 février dans l’Iowa, traditionnellement le premier État à voter depuis 1972, et s’achèvera sur la Convention nationale démocrate de juillet et la Convention nationale républicaine d’août, évènements au cours desquels le candidat choisi par les électeurs au sein de chaque camp sera officiellement nommé.

Dès lors, les candidats investis mèneront leur campagne présidentielle à travers le pays et s’adonneront à l’exercice traditionnel des trois débats télévisés espacés entre septembre et octobre 2020.

L’élection du président des États-Unis se tiendra le mardi 3 novembre 2020. Les citoyens voteront pour des grands électeurs qui, à leur tour, voteront, État par État, pour l’un ou l’autre des candidats le 14 décembre 2020.
L’investiture du président des États-Unis se fera, comme le veut la tradition, le 20 janvier 2021.

 

Qui peut se présenter à la présidence des États-Unis ?

Ne se présente pas qui veut. La Constitution américaine prévoit, en effet, trois critères d’éligibilité : être né aux États-Unis, être âgé d’au moins 35 ans et avoir résidé sur le sol américain au moins 14 ans. Par ailleurs, un président ne peut cumuler plus de deux mandats, qu’ils soient consécutifs ou non.

 

Comment fonctionnent les primaires ?

La notion de primaire aux États-Unis tranche avec celle que nous connaissons en France. Outre-Atlantique, elle prend la forme d’un suffrage indirect, c’est-à-dire que les partisans de tel ou tel candidat ne votent pas directement pour lui. Ils élisent, en effet, des délégués, qui représentent chaque candidat.

Le résultat final dépendra de deux facteurs principaux : le nombre de délégués par État et le mode de scrutin. Tout d’abord, dans chaque État, le nombre de délégués est défini par le parti en fonction de la démographie de l’État en question et de sa couleur politique. En d’autres termes, son poids électoral dans l’élection générale. Par exemple, la Californie, état bastion démocrate avec une population élevée, se verra attribuer un nombre important de délégués par le parti démocrate. Ensuite, le mode de scrutin. Si les démocrates appliquent systématiquement la proportionnelle pour répartir les délégués élus en fonction du score des candidats, les républicains varient selon les États entre proportionnelle et le principe du « winner takes all » (en français le vainqueur remporte tout). Dans ce système, le candidat qui obtient le score majoritaire se voit attribuer l’intégralité des délégués.
Une fois élus, ces délégués voteront directement pour investir le candidat officiel et son vice-président lors de la Convention nationale du parti. Le candidat triomphant s’étant généralement démarqué du reste de la compétition depuis plusieurs semaines, cet évènement remplit davantage une fonction symbolique visant à restaurer l’unité au sein du parti après des mois d’affrontements plutôt qu’à annoncer le vainqueur de la primaire. Du côté des républicains, les primaires de 2020 ne seront sans doute qu’une formalité pour le président Trump, bénéficiant d’une popularité de 94 % dans son camp. En conséquence, les instances du parti d’une dizaine d’États n’ont pas estimé nécessaire d’organiser des primaires, à l’instar des démocrates en 2012 au moment de la campagne de réélection de Barack Obama.

Au-delà de ce cas de figure relativement exceptionnel, une primaire pour chaque parti est bel et bien organisée dans l’ensemble des États.

 

Quelle est la différence entre une primaire simple et un caucus ?

La primaire peut prendre deux formes. Soit celle d’une primaire pure et simple, soit celle d’un caucus. Les primaires simples correspondent à un scrutin classique. Cependant, selon les États, elles peuvent être « fermées », « semi-ouvertes », ou « ouvertes ». Les primaires fermées d’un parti ne sont accessibles qu’aux inscrits du dit parti. Les primaires ouvertes s’adressent à tout le monde, militants démocrates comme républicains. Cependant, si un républicain choisit de voter dans la primaire démocrate, alors il ne peut plus voter à la primaire républicaine et inversement. Enfin, les primaires semi-ouvertes sont destinées aux inscrits du parti et aux électeurs indépendants, qui ne sont militants d’aucun parti. Compte tenu de leur important poids électoral, ces derniers sont la cible d’efforts de séduction des républicains et démocrates.

Plus intriguant, le processus électoral du caucus fonctionne sur le modèle d’une assemblée de citoyens. Un caucus se compose d’une multitude de réunions organisées par les partis eux-mêmes dans des lieux publics comme des hôtels, des écoles ou des bibliothèques. Les personnes souhaitant voter devront être obligatoirement présentes physiquement. Une petite innovation a néanmoins été adoptée cette année. Dans l’Iowa, ce petit État rural au rôle clé en raison de la dynamique positive qu’il peut enclencher pour le vainqueur de la toute première primaire, des « caucus satellites » ont été organisées. Le but : étendre les lieux du caucus à travers le pays et à l’étranger afin de faciliter la participation, dont le niveau tend à être faible, ce qui vaut au système du caucus d’être décrié. Il est en effet impossible d’accorder une procuration à un proche et l’accès à la circonscription en temps et en heure se révèle parfois difficile, les électeurs retardataires n’étant pas admis.

Lors du caucus, chaque camp procède selon ses propres règles. Chez les républicains, après le discours du représentant de chaque candidat, les électeurs votent à bulletin secret. Le parti agrège ensuite les résultats de chaque candidat dans l’État et attribue le nombre de délégués au prorata des scores. Chez les démocrates, après avoir entendu les arguments des partisans de chaque candidat, les électeurs votent en se regroupant physiquement derrière le représentant du candidat de leur choix. Après comptage, les groupes dont le score est inférieur à 15 % sont éliminés. À cet instant, les chefs des autres groupes tentent de convaincre les électeurs des groupes éliminés de soutenir leur candidat, qui rejoignent alors un nouveau groupe ou s’en vont. S’ensuit un deuxième comptage qui attribuera des délégués de circonscription en fonction du score de chaque groupe. Ces délégués de circonscription élus désigneront ensuite les délégués du comté, qui eux-mêmes éliront les délégués de l’État. Ce sont ces derniers qui participeront à la Convention nationale démocrate de juillet.

 

Qu’est-ce qu’un « superdélégué » et quelle est son influence sur la primaire ?

Il existe deux familles de délégués. D’un côté, les délégués élus qui doivent obligatoirement tenir parole en ce qu’ils doivent voter pour le candidat qu’ils représentent lors de la convention nationale du parti. De l’autre, les « superdélégués », non-élus lors d’une primaire, dont la particularité tient à ce qu’ils votent pour qui ils le désirent lors de cette convention. Il s’agit de personnalités politiques haut placées, sénateurs, gouverneurs, cadres du parti, dont le poids électoral s’avère déterminant puisque, côté démocrate, il correspond à un quart des délégués classiques. Cependant, une révision historique relative au rôle des superdélégués dans la primaire démocrate a été adoptée à l’issue d’une réunion estivale de 2018, faisant suite aux plaintes de Bernie Sanders qui critiquait le pouvoir excessif de ces délégués ayant fait le choix de soutenir à 80 % Hillary Clinton en 2016. Désormais, ils ne seront plus en mesure de voter à la convention, à moins qu’un besoin de départager les candidats s’impose. Côté républicain, l’équivalent strict des superdélégués démocrates n’existe pas. Certains cadres du parti, dont le nombre est très limité, peuvent voter pour qui ils le souhaitent lors de la primaire mais, à la différence du camp opposé, cette règle n’est valable que pour certains États.

 

Qu’est-ce que le « Super Tuesday » ?

Si le calendrier électoral de chaque État est libre, une date phare de la saison des primaires fait exception : le « Super Tuesday » (en français « super mardi »), qui se tenait cette année le mardi 3 mars 2020. Il s’agit du seul jour où quatorze États voteront simultanément, parmi lesquels le Texas et le Colorado, deux États au poids électoral déterminant. L’ampleur de l’évènement en fait donc le jour capital du processus des primaires car le résultat donne une représentation objective de l’opinion sur les candidats en lice, compte tenu du nombre d’électeurs appelés à voter, et peut donc faire émerger les favoris.

 

Que sont les « swing states » et en quoi influenceront-ils la campagne présidentielle des candidats nominés ?

Dans un pays composé de 50 États et avec une surface équivalente à 17 fois celle de la France, le court délai entre la convention nationale du parti et l’élection générale impose aux candidats nominés d’être stratégiques. C’est pourquoi l’essentiel des efforts de campagne, en temps comme en argent, sont concentrés sur les « swing states », ces « États-balance » qui ne sont traditionnellement acquis à aucun parti et dont l’électorat peut « basculer » (swing) d’un côté ou de l’autre à chaque élection. En contrepartie, les candidats délaissent les États jugés « sûrs » car le résultat est connu d’avance. Par exemple, la probabilité que la Californie vote républicain en 2020 est nulle.

Cependant, tous les États-balance ne se valent pas en raison des différences de poids électoral. En effet, l’élection du président américain ne se faisant pas elle non plus au suffrage universel direct, les 200 millions d’électeurs votent en réalité pour un collège de 538 grands électeurs, constitué de citoyens actifs en politique, généralement sélectionnés lors des conventions nationales. Le nombre de ces grands électeurs varie par État en fonction du nombre d’habitants. Ainsi, la Californie possède le plus grand nombre d’électeurs, soit 55, quand le Wyoming en compte 3. Pour obtenir le vote de 270 grands électeurs permettant de remporter l’élection, qui se fait sur le principe du « winner takes all » pour tous les États sauf deux, certains « swings states » représentent des passages obligés. Parmi eux, la Floride, comptant 29 grands électeurs et raflée par Donald Trump en 2016 après que cet État avait voté pour Barack Obama lors des deux élections précédentes, fait partie du lot au même titre que l’Ohio (18 grands électeurs). Également remporté par Donald Trump, celui-ci est considéré comme le baromètre de l’élection, aucun candidat n’ayant été élu président depuis 1964 sans gagner dans cet État. Enfin, il faut souligner que l’élection de 2016 a rebattu les cartes en ajoutant de nouveaux États à la liste des « swing states ». En effet, des États comme le Minnesota ayant historiquement voté démocrate depuis 1972 ou ceux de la « rush belt », région industrielle du nord-est des États-Unis, également acquis aux démocrates depuis les années -80, ont basculé à cette occasion du côté républicain.

 

Quelle est l’importance du collège électoral ?

Suite à la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump en 2016, bien qu’elle ait remporté le vote populaire, la gauche aux États-Unis réclame depuis lors la suppression du collège électoral, inscrit dans la Constitution. Les arguments avancés : il s’agit d’un système dépassé et anti-démocratique, accordant un pouvoir électoral plus important aux États les moins peuplés si le nombre de grands électeurs est rapporté au nombre d’habitants.

La question qui se pose est la suivante : pourquoi les pères fondateurs des États-Unis ont-ils préféré le système des grands électeurs ? En examinant l’histoire, ces derniers arrivèrent à la conclusion que les démocraties reposant sur une victoire à la majorité simple finissaient par imploser. En effet, dans ce système, une petite majorité peut rapidement imposer sa loi au reste du pays. Il s’agit de la tyrannie de la majorité, concept développé par le philosophe du 19e siècle, Alexis de Tocqueville. Dans son ouvrage de la Démocratie en Amérique, le philosophe compare le système de gouvernement français et sa concentration du pouvoir dans les mains du microcosme parisien à une femme devenue araignée dont le corps est composé d’une grosse tête, captant toute la graisse, et de longs bras maigres, symbolisant le reste de la France. C’est donc pour éviter de reproduire un système similaire, dans lequel le pouvoir serait centralisé au sein des grandes villes comme New York ou Los Angeles que le système du collège électoral a été instauré. L’objectif est de s’assurer que les candidats à la présidence ne forment pas des coalitions exclusivement partisanes et mènent une campagne à l’échelle nationale. En effet, si l’élection n’était basée que sur un vote populaire, un candidat pourrait aisément se focaliser uniquement sur les grandes villes et les États les plus peuplés sans prendre en considération les plus petits États. Dans cette configuration, le président se ferait principalement l’écho du vote des élites urbaines au détriment d’un vote représentatif de l’ensemble de la nation et de ses intérêts. Même si les candidats focalisent généralement leurs efforts de campagne sur les « swing states », la dernière élection a démontré qu’un État historiquement acquis à un bord pouvait basculer. De fait, le collège électoral permet d’assurer que le vote de chaque État et, consécutivement, que le vote de chaque électeur dans chaque État compte.

 

L’élection de 2016 est d’ailleurs une illustration de la nécessité de ce système. Si Hillary Clinton a remporté le vote populaire, la marge avec son adversaire s’est en réalité creusée uniquement en raison d’un seul État sur cinquante, la Californie dont la population est supérieure à celle du Canada ou de l’Australie. Par ailleurs, bien que Donald Trump fût décrié par les médias en accusant les immigrants en situation irrégulière de l’avoir empêché de remporter le vote populaire, une étude publiée en 2014 par le Washington Post, journal réputé à gauche, avait apporté la preuve que les sans-papiers votent bel et bien. Et ce massivement. Les données qui proviennent du Cooperative Congressional Election Study (CCES), fondé par un universitaire de Harvard, révèlent que le nombre de sans-papiers s’étant inscrits pour participer à l’élection présidentielle de 2008 dépasserait largement le million. Même si aucune étude de cet ordre ne fut conduite depuis lors, qu’en fut-il en 2016 pour l’élection d’un président annonçant lutter contre l’immigration illégale dont la majeure partie est localisée en Californie ?

 

Etienne,
étudiant en Bac+4 à l’ISSEP
publiée dans Valeurs Actuelles