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Articles des étudiants : Raymond Aron, par Grégoire Marnel, étudiant en Bac+4 à l'ISSEP

Article d’Histoire des idées politiques : Raymond Aron

Article d’Histoire des idées politiques : Raymond Aron

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Raymond Aron Article d'Histoire des idées politiques, par les étudiants de l'ISSEP

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L’Opium des intellectuels : que valent les paradigmes politiques d’après-guerre selon Raymond Aron ?

 

Raymond Aron est né en 1905 à Paris. Il étudie à l’Ecole normale supérieure où il rencontre Jean-Paul Sartre. Tous deux se rapprochent alors, rapprochement qui sera mis à mal par leur divergence de pensée après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les totalitarismes s'installeront. Pendant la guerre, il rejoint les Forces Françaises Libres en Angleterre. Il exerce après la fin de la guerre le métier de journaliste, et sera d’ailleurs longtemps éditorialiste au Figaro. Il fondera en 1978 la revue Commentaire. Raymond Aron est aussi enseignant dans plusieurs écoles françaises. Il pratiquera de nombreuses disciplines comme la sociologie, la philosophie et l’histoire. Il meurt en 1983.

La pensée de Raymond Aron se veut libérale et atlantiste. Cela lui vaudra de vives critiques venant de la gauche et du communisme en particulier.

La prise de position politique de Raymond Aron, une alternative

En 1955, L’Opium des intellectuels parait. Ce livre de Raymond Aron est un pavé dans la mare : en effet, à cette époque, la Guerre froide est déjà bien engagée. La France menant des relations internationales assez équivoques vis-à-vis du bloc de l’Est et du bloc de l’Ouest, idéologues communistes et libéraux s’affrontent verbalement sur le territoire français. Ce qui ressemble à une lutte politique houleuse et agitée est en fait le fruit de la stagnation des idées politiques, dont tout un chacun est convaincu dans un camp comme dans l’autre. Cette cristallisation de deux modèles de civilisation opposés entraine les affrontements que connaissent les années 50. Or dans L’Opium des intellectuels, Raymond Aron affirme que les paradigmes politiques en vigueur sont infondés, et sont davantage des dogmes incohérents que des pensées contestables. Pourfendant ainsi ces paradigmes, Raymond Aron verra se confronter à lui les croyants qui opposeront à ses démonstrations toute leur mauvaise foi, et rejoindre sa pensée les croyants de bonne foi dont il aura ouvert les yeux.

La démolition du lexique des paradigmes politiques

Pour parvenir à la conclusion que les paradigmes politiques qui constituent les courants doctrinaires de pensée en 1950 sont incohérents, Raymond Aron se livre à une étude sémantique qui constitue la base de sa pensée. Il remet ainsi en question les termes couramment employés dans les discours partisans de son époque.

La distinction entre la droite et la gauche

La distinction entre gauche et droite est la première idée critiquée par Raymond Aron. En effet, la gauche qui se veut unie et éternelle, selon une logique marxiste est en fait divisée en plusieurs courants incompatibles. La gauche égalitaire d’un côté se veut opposée aux privilèges de classes. Cela l’inscrit dans une lutte permanente contre les riches et les puissants. D’un autre côté la gauche organisationnelle appelle de ses vœux des institutions puissantes pour faire face à l’opposition inévitable et cautionne même le totalitarisme pour mener cette opposition. Faut-il alors un régime totalitaire pour lutter contre les puissants ? Expliqué de cette façon, le paradoxe n’échappe à personne. Au même moment, la gauche libertaire se réclame comme la seule opposition légitime contre l’arbitraire, en héritière de la Révolution française. Le même paradoxe semble évident. Raymond Aron écrit dans son livre : « sont-ils de gauche ceux qui réclament la liberté pour tous les peuples d’Afrique et d’Asie, mais non pour les Polonais ou les Allemands de l’Est ? » Les autoproclamés héritiers de la Révolution française se comptent aussi dans les rangs de droite, mais de façon tout aussi incohérente. Raymond Aron relève le fait que se déterminent de droite autant les familles aristocrates héritières de la noblesse française d’ancien régime que la bourgeoisie héritière de la révolution de 1789 qui les a remplacées dans l’ordre social. Ce constat soulève d’emblée la question suivante : comment classer sur un même bord politique des classes sociales qui se sont disputées le pouvoir lors d’une révolution sanglante qui a lancé le processus aboutissant à la naissance de la république ? Il n’est pas exclu que la droite englobe plusieurs classes sociales, mais qu’elle englobe plusieurs classes historiquement rivales est plus étonnant.

La révolution

Le terme révolution fait d’ailleurs l’objet d’un chapitre entier de L’Opium des intellectuels. L’auteur propose une critique puissante de l’usage qui est fait à tort de ce mot. La gauche exploite largement le terme pour définir tout un ensemble de mouvements qui ne sont pas des révolutions. Par exemple, un ensemble de réformes sociales massives favorables aux conditions de travail des ouvriers, même s’il a de grandes conséquences sur l’organisation de la société, ne constitue en rien une révolution. Ce genre de réformes se fait dans le cadre de la loi, des institutions, de la constitution. Elle n’est pas une rupture avec un régime politique en place, pas plus qu’avec un régime social en place. Une révolution, pour en être une, doit rompre avec la constitution et la remplacer par une autre. Le prolongement de cet impératif permet de distinguer deux corollaires cumulatifs : une révolution est violente, une révolution est illégale. La Révolution de février 1917 en Russie est une révolution, parce qu’elle est violente, illégale et remplace une constitution par une autre. La Révolution de 1789 en France est une révolution parce qu’elle est violente, illégale et qu’elle remplace une constitution par une autre. La révolution industrielle n’est pas une révolution car elle n’est pas violente, elle est légale et elle ne remplace pas la constitution. Raymond Aron va plus loin dans ce réajustement sémantique : une modification importante de la constitution, qui modifiera radicalement les institutions d’un régime par le biais de la loi n’est pas violente, est légale et ne remplace pas la constitution mais la change. Ce n’est donc pas une révolution non plus. Le mot révolution est pourtant largement employé (à tort) pour bâtir le discours politique fondateur de la gauche, et en particulier du communisme.

Le prolétariat

Le terme prolétariat est le dernier à subir le sort que Raymond Aron fait aux mots gauche et révolution. Les penseurs de gauche emploient ce mot pour désigner les classes laborieuses, c’est-à-dire les ouvriers, les paysans, les mineurs et d’autres encore. Le prolétariat doit s’inscrire dans la lutte des classes comme s’il était une classe à part entière. Or le prolétariat regroupe LES classes laborieuses et n’est donc pas UNE classe à part entière. Plus encore, Raymond Aron relève la vocation universelle du prolétariat selon Karl Marx. Ce dernier termine le Manifeste du parti communiste dans ces termes célèbres : « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Mais les prolétaires se réclament, dans la réalité, d’un pays. Les prolétaires anglais se disent anglais et les prolétaires français se disent français. Il n’y a pas d’universalité dans le prolétariat. D’ailleurs, il existe au cœur d’un même pays plusieurs camps rivaux de prolétaires. Enfin Raymond Aron fait remarquer à juste titre que ce que la gauche appelle le prolétariat n’a pas de raison intrinsèque de faire la révolution, dans la mesure où ses conditions de vie s’améliorent, où les lois et les syndicats le protègent. Ne vivant plus les abominables souffrances et injustices que les bourgeois capitalistes lui imposent, il n’a plus de raison de faire la révolution. Le mot prolétariat est donc, selon Raymond Aron, dépassé.

Raymond Aron réfute l’optimisme politique

La croyance que l’on peut avoir dans ce que Raymond Aron appelle les trois mythes (le mythe de la gauche, le mythe de la révolution, le mythe du prolétariat) amène à l’optimisme politique. Les définitions erronées de leurs paradigmes confèrent une cohérence au projet communiste, cohérence dont les penseurs communistes sont convaincus. De cette façon, ils sont persuadés d’œuvrer pour la fin de l’histoire proche et telle que décrite par Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste. L’influence du communisme dans le monde étant très forte, ils croient dur comme fer que la victoire est évidente. Sun Tzu a écrit dans L’Art de la guerre que le stratège victorieux n’engage toutes ses forces dans la bataille que lorsqu’il a déjà remporté la victoire. Les communistes persuadés d’avoir déjà remporté la victoire sont donc prêts à engager toutes leurs forces dans la bataille. C’est précisément ce que Raymond Aron appelle l’optimisme politique. C’est le fait d’être sûr d’une utopie et d’en tirer trop d’enthousiasme. C’est l’optimisme politique qui engendre le fanatisme. Or Raymond Aron s’est toujours dressé contre le fanatisme. Il ne se prive pas d’ailleurs de rappeler que Karl Marx a dit que la religion était l’opium du peuple pour l’effet que la religion provoque sur le peuple. Mais cet effet critiqué par Marx est comparable à l’effet suscité par le communisme en France en 1950 : l’optimisme illusoire. C’est pourquoi Raymond Aron parle du communisme comme de l’opium des intellectuels. Ce jeu de mot est une riposte adressée aux intellectuels qui ne jurent que par Marx.

La vertu du scepticisme, inspiration du pragmatisme

Raymond Aron connait bien le fanatisme, pour l’avoir vu et affronté souvent. Il en sait les dangers, autant pour la société que pour les personnes qui le portent. L’Opium des intellectuels est une bataille supplémentaire de son auteur contre le fanatisme. Toute sa pensée politique est teintée du souci d’éviter le fanatisme. L’idée que ce livre défend s’inscrit dans la pensée politique de Raymond Aron comme un mur porteur : il conclut son livre en parlant du doute. Il écrit que si le doute permet de remettre en question les modèles politiques utopiques que l’on nous propose, alors il peut éteindre le fanatisme. C’est la raison pour laquelle le penseur appelle au scepticisme politique, scepticisme qui se prolongera en pragmatisme. Cette idée est à tel point un axe majeur de la pensée politique de Raymond Aron que Nicolas Baverez intitulera un de ses livres Raymond Aron : un moraliste au temps des idéologies.[/vc_column_text][vc_separator color="custom" border_width="2" el_width="20" accent_color="#b89e67"][vc_column_text css=".vc_custom_1563182610071{margin-right: 20px !important;margin-left: 20px !important;}"]

Grégoire MARNEL, étudiant à l’ISSEP

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