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« Crashed » ou la responsabilité des « oligarques » dans la crise de 2008

« Crashed » ou la responsabilité des « oligarques » dans la crise de 2008

« Crashed » ou la responsabilité des « oligarques » dans la crise de 2008

FIGAROVOX/LECTURE - Michel Loussouarn a lu le dernier ouvrage d'Adam Tooze concernant les conséquences de la crise économique de 2008. L'auteur y pointe la mauvaise gestion de la crise par les élites politiques et financières occidentales, que Michel Loussouarn n'hésite pas à qualifier d'« oligarques ». Michel Loussouarn est un ancien officier de l'armée de terre. Professeur d'histoire à Yale après avoir enseigné pendant 13 ans à Cambridge, spécialisé dans les questions d'économie, Adam Tooze avait remporté le Wolfson History Prize pour son ouvrage Le Salaire de la destruction portant sur l'économie du Troisième Reich. Il a également publié Le Déluge, 1916-1931, relatif aux effets de la première guerre mondiale sur l'ordre mondial, qui a reçu le Prix du livre d'histoire du Los Angeles Times. Dans ce nouvel opus, l'auteur met en perspective, de manière très détaillée et à l'échelle mondiale, l'enchaînement des mécanismes financiers et économiques qui se sont succédé de la crise des subprimes à l'élection de Donald Trump. Le lecteur y trouvera de quoi éclairer son point de vue sur les facteurs ayant conduit à la crise des dettes souveraines de la zone Euro, à l'explosion de la bulle immobilière en Espagne, au déclenchement de la crise Ukrainienne et à l'émergence des mouvements dits «populistes» dans le monde occidental. Si les conclusions de cette autopsie n'épargnent pas l'administration américaine, en soulignant sa part de responsabilité dans les facteurs de déclenchement de la crise, ce sont finalement les choix de dérégulation financière de l'Union européenne et son incapacité à réagir de manière appropriée à l'onde de choc principale et à ses répliques qui se trouvent ici singulièrement mis en lumière. On mesure à quel point les politiques d'austérité budgétaires, menées au cours de cette crise par les pays de l'OCDE, y ont paupérisé les classes moyennes tandis que les milieux de la finance s'y sont considérablement enrichis du fait des rachats massifs d'obligations et des politiques d'injection de liquidités menées par les banques centrales. À l'opposé, des pays comme la Chine et la Russie apparaissent comme ayant su préserver le pouvoir d'achat de leur population par une politique massive d'investissement public pour la Chine, dont l'effet contracyclique contribuera à stopper l'onde de choc planétaire de la crise de 2008, tandis que Vladimir Poutine fera peser sur les oligarques l'impact financier de celle-ci en leur demandant de soutenir le marché de l'emploi.

Les politiques d'austérité budgétaires, menées après 2008 par les pays de l'OCDE ont paupérisé les classes moyennes.

Le tableau sur lequel s'achève cette période historique conduit, du coup, le lecteur à s'interroger sur la pertinence de l'emploi du terme «oligarque» pour désigner en Russie les catégories les plus riches: ce vocable semble définitivement plus approprié à leurs homologues occidentaux qui ont plus que jamais, au cours de cette crise, validé le verdict de Warren Buffet, selon lequel la lutte des classes existait bien et qu'elle avait été gagnée par les méga-riches. Ainsi, aux États-Unis, «entre 1977 et 2014, la part du revenu national captée par les 1% les plus riches avait augmenté de 88 % avant impôts et cotisations sociales», alors que, «en 2013, des experts proches du mouvement ouvrier américain estiment que (…) la concurrence d'une main-d'œuvre étrangère et sous payée a réduit de 180 millions de dollars les salaires de 100 millions d'ouvriers américains non qualifiés». «Vive la crise», le titre donné dans les années 80 à une émission de télévision présentée par Yves Montand, au moment où la France s'engageait déjà dans une politique d'austérité accompagnée d'une ouverture des vannes de l'immigration, apparaît donc comme un cri du cœur que pourraient unanimement pousser les seuls ultra-riches méritant définitivement le titre d'oligarques: ceux qui prospèrent dans les pays occidentaux. Adam Tooze, Crashed - Comment une décennie de crise financière a changé le monde , Les Belles Lettres, 2018, 768 pages, 25,90 €. http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2018/12/19/31007-20181219ARTFIG00205-crashed-ou-la-responsabilite-des-oligarques-dans-la-crise-de-2008.php