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Entretien avec Antoine Colonna VA

Entretien avec Antoine Colonna sur les élections américaines

Entretien avec Antoine Colonna sur les élections américaines

Propos recueillis le 16 novembre 2020

 

Comment faut-il interpréter l’importance ou même l’incidence qu’ont pu avoir les votes anticipés jusqu’à un mois précédant le jour de l’élection ?

Nous sommes dans une situation inédite dans l’histoire électorale des Etats-Unis. Jamais un vote n’a été aussi contesté et jamais on n’a observé des réactions aussi paroxystiques. Il y a dans les deux camps une « croyance » dans l’histoire, le « narative » comme on dit outre-Atlantique de son camp. Pour 70 % des Républicains, l’élection a été truquée par les démocrates, pour une part également importante des démocrates, Trump prépare un coup d’Etat pour rester au pouvoir.

La démocratie rend-t-elle fou ? Pour ce qui est, plus précisément, des votes par correspondance, les agences fédérales de contrôle sont unanimes. Il est sûr et certifié comme tel. En revanche, cette année, il a été l’objet de deux biais qui peuvent être de nature à troubler la légitimité du scrutin.

Tout d’abord, le vote postal a été massif. Les électeurs et particulièrement les électeurs démocrates ont voulu éviter les bureaux de votes donnant au vote par correspondance une tonalité pro-Biden.

Ensuite, de nombreux témoignages affluent, notamment dans les Etats clés montrant que beaucoup de personnes âgées ont pu être abusées par de gentils citoyens dépêchés, soit à domicile, soit dans les maisons de retraites pour être débarrassées de leurs bulletins de vote. On imagine aisément la suite… Si le bulletin contenu dans l’enveloppe ne correspond pas, il est détruit ou remplacé. C’est le « prélèvement à la source citoyen ». Simple et indolore. Il faudra beaucoup de temps pour estimer son impact sur le vote, surtout dans des Etats où Trump ne perd que de 0,3, quelques milliers des voix…

 

La victoire de Joe Biden montre-t-elle une manipulation des sondages avançant en per-manence des chiffres très favorables au candidat démocrate ?

 

Vous voulez dire que le vote aurait été truqué et ajusté de manière à correspondre aux prévisions des sondages ? Il y a aux Etats-Unis beaucoup d’instituts de sondages. Je fais un peu de publicité ici pour le site RealClearPolitics, qui est un agrégateur précieux pour ceux qui veulent suivre la vie politique américaine. Il est clair que beaucoup d’instituts ont eu des zones mortes dans leurs études. Beaucoup d’Américains refusent d’être sondés, et c’est encore plus vrai chez les Trumpistes. Aussi, personne n’avait vraiment vu que Trump ferait le meilleur score républicains depuis les années 90. Personne n’avait vu non plus qu’il ferait une percée majeure parmi les minorités noire et hispanique…

 

Quels impacts inattendus ont pu avoir les Swing States sur l’élection ? Quels ont été les résultats clés, les Etats qui ont fait la différence ? Et comment expliquer certains de ces basculements ?

Vous parliez tout à l’heure de la victoire de Joe Biden. La réalité est qu’elle ne sera effective que le 14 décembre prochain, quand il sera élu par le collège électoral. Plusieurs Etats ont eu un résultat très serré et très contesté. Le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie, la Géorgie ou encore l’Arizona. A l’heure où nous parlons, les contestations ne sont pas encore toutes épuisées et Donald Trump twittait, il y a encore quelques heures qu’il avait gagné.

 

Ce résultat va-t-il accentuer une montée des tensions entre WASP et minorités, Black Live Matter ? A moyen terme, des conflits armés seront-ils évitables ?

C’est une question importante. Si Biden est effectivement le 46e président des Etats-Unis, il sera un président faible. La gauche radicale et sociétale est en embuscade pour peser sur ces thématiques. Mais la droite américaine, comme la droite en général, est légaliste. Le président est protégé par la Constitution, il y a quelque chose de presque religieux dans l’imaginaire américain le concernant. Ainsi l’Amérique des classes moyennes blanches, plus que celle des WASP souffrira en silence. Si en revanche, les Républicains arrivaient à faire la preuve d’une triche massive, notamment informatique avec les machines de vote Dominion… Le choc sera sans précédent. Les villes qui ont été le théâtre des violences de BLM, seraient à nouveau le théâtre de violences. Mais cette fois, Trump n’hésiterait pas à faire donner la garde nationale qui a les capacités nécessaires pour plier les quelques centaines d’antifa en circulation.

 

Est-ce que cette victoire de Joe Biden signe la défaite des WASP ? Ce mandat peut-il accélérer le basculement démographique et civilisationnel sachant que la nouvelle vice-présidente Kamala Harris est elle-même issue de ces minorités ?

Le terme de WASP (White Anglo-Saxon Protestant) concerne plus l’élite de la côte-Est que les « déplorables » et les « red-neks » que Mme Clinton, très WASP, méprise. Il est clair qu’un tel gouvernement accentuera ce qui a été entrepris sous Obama et que la culture « Woke » aura de beaux jours devant elle. Cela aura des conséquences graves y compris sur le plan international où les Etats-Unis seront un jour, moins enclins à défendre Israël contre certains de ses voisins.

 

De nombreux recours ont été posés par le camp Trump dans des Etats clés. Donald Trump peut-il faire éclater au grand jour l’usage de méthodes frauduleuses par le camp démocrate afin de « voler l’élection aux américains » ?

Depuis des mois, les deux camps savent que la bataille judiciaire sera dure après l’élection. Les équipes juridiques sont prêtes. Démocrates et républicains appellent leurs partisans à financer les avocats qui sont les généraux de cette bataille. L’une des principales avocates de Trump, Sidney Powell, affirmait le 15 novembre que le vote était faussé par l’utilisation des machines de votes Dominion. Elle demandait même le scalp des directeurs de la CIA et du FBI qui n’auraient pas su protéger l’élection. Des accusations extrêmement graves. Si elle a tort, Biden aura sans doute gagné, si elle a raison, l’élection 2020 ne fait que commencer…

 

Propos recueillis par Andréa et Anthony,
étudiants en Bac+4 à l’ISSEP