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Un bon samaritain n’est plus personne

Un bon samaritain n’est plus personne

Matthieu Falcone, Un bon samaritain, Gallimard, 2018, 272 pages, 19,50 €  

Un bon samaritain et non pas LE bon samaritain. Deux lettres qui changent tout, qui éclairent tout. Ces deux lettres sont à l’image de la double médiation dont se sert Matthieu Falcone pour nous faire plonger dans son premier roman : Ambiguës, équivoques. Ce procédé déroutant, son vocabulaire passant de l’élégant au cru sans transition, bouscule le lecteur pour mieux le mettre en condition.

Le bon samaritain aurait été une icône, quelqu’un ! Un bon samaritain n’est personne … et tout le monde à la fois. C’est un roman sans héros ou plutôt un drame antique sans héroïsme. Qui s’intéresserait à la descente aux enfers d’un Pierre Saintonge, universitaire réac, caustique, libidineux et surtout anti-migrant lorsqu’il accueille trois subsahariens sous l’impulsion violemment charitable de sa femme, et de l’alcool ? Qui sinon un de ses amis ? Le témoin hédoniste et cynique, sans nom et sans visage, qui relate l’enfermement progressif de ce héros (car il en faut bien un) ou plutôt de cet anti-héros, dans ses contradictions. Les évènements semblent prendre Saintonge par hasard, un peu à la manière de « L’étranger » de Camus ou de « Becket » d’Anouilh, dans un enchainement implacable ou l’on retrouve un peu du « fatum » antique. Mais Saintonge ne combat pas, ou si peu, ou si tard, ou si mal... Il ne devient « bon samaritain » que sous le coup de l’ivresse. Il le demeure pourtant, lié aux trois « nègres » qu’il a accueillis, par un mélange subtil et paradoxal de bons sentiments qu’il dénonce chez les autres, et de fierté « masculine » dont il est prisonnier. Comme le bouc-émissaire biblique il prend sur lui le poids d’une société dont il est issu et qui finira par le lapider. Coincé entre le cliché et la réalité, entre l’universel et le personnel, Un bon samaritain plonge sans fioritures dans les stéréotypes pour mieux s’en débarrasser, pour mieux s’attacher et nous attacher aux types qui sont derrière. Un bon samaritain ne juge pas. Il comprend. Il comprend tout. Il explique tout. C’est sa grande force. C’est aussi sa faiblesse… Saintonge c’est un homme intransigeant qui transige. Saintonge c’est une Antigone ratée. P.R, étudiant de l’ISSEP