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Cinq questions à … Geoffroy Lejeune

Cinq questions à … Geoffroy Lejeune

Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles  

Quelle place pour un média d’information et de débats indépendant dans le paysage médiatique français contemporain ?

Les Français ont-ils raison de se méfier des journalistes ? Je crois que les Français, pour être exact, détestent les journalistes. Les enquêtes parues ces dernières années à ce sujet sont édifiantes. Ceci tient à une raison : les journalistes sont vus comme appartenant à une caste déconnectée, privilégiée, se moquant pas mal des questions touchant à leur quotidien. Ce n’est pas vrai pour tous, évidemment, et la plupart de ceux que je connais font très bien leur travail ; mais je crois que ce constat est en partie vrai. Pour des raisons essentiellement sociologiques, les journalistes se situent généralement dans une zone politique située entre le centre gauche et le centre droit ; et, c’est pire, vivent dans une bulle ouatée où une bien-pensance relativiste, progressiste et mollassonne fait office de nouveau catéchisme. Cette défiance est donc parfaitement légitime, et compréhensible. Valeurs Actuelles n’est ni tout à fait un média mainstream du fait de votre ton politique incorrect, ni tout à fait un média indépendant comme on en trouve sur internet notamment : où-vous situez-vous dans l'offre médiatique ? Notre ton incorrect et notre liberté sont nos meilleurs atouts. Ils fondent notre différence et l’intérêt du journal ; nous ne les abandonnerons jamais. Ceci dit, nous avons une vraie volonté de conquête. Nous essayons de faire progresser nos idées dans le débat public, de convaincre des gens, de défendre nos positions y compris dans les autres médias traditionnels ; je pense notamment aux chaînes d’info qui nous offrent la possibilité de le faire régulièrement. Ces deux points résument sans doute notre positionnement sur l’échiquier médiatique : nous sommes radicalement différents dans nos positions, mais nous ne nous mettons pas en marge du système, pour mieux les exprimer. Les nouveaux médias numériques sont-ils un danger ou une opportunité ? Que pensez-vous de la loi sur les Fake news ? Les médias numériques sont en règle générale une chance, voire la survie de notre profession pour les années qui viennent. Le public est désormais massivement sur internet, les habitudes de lecture et de consommation de l’information ont changé, il nous appartient d’aller conquérir ce nouveau lectorat. J’ajoute que le journalisme sur internet répond à d’autres codes, d’autres impératifs et qu’il est très exigeant. C’est passionnant de se lancer dans cette aventure. Je ne vois pas ce qui pourrait sortir de bon de la loi sur les Fake news. D’abord, je ne fais pas confiance à un juge pour décider si l’information que je publie est fiable ou pas. Ensuite, l’information elle-même est rarement sujet à controverse ; c’est l’analyse qui en est faite qui divise. Sur ce point, là encore, le judiciaire n’a pas sa place. Enfin, la tentative de contrôle de la presse et la régulation de la liberté d’expression sont en règle générale de très mauvais signaux, qui manifestement n’émeuvent aujourd’hui pas grand monde… Vous considérez-vous comme un média populiste ? Nous avons fait le choix, à l’inverse de la quasi-totalité de nos confrères qui préfèrent traiter le populisme par le prisme de la dénonciation morale ou des excès de ses représentants, de parler de ses causes. Tous les articles, reportages, entretiens – grâce à André Bercoff, nous avons publié le premier entretien de Donald Trump dans la presse européenne, ainsi que, par la suite, des interviews de Norbert Hofer, Matteo Salvini… – que nous avons consacré à ce sujet visent à comprendre la colère populaire qui porte au pouvoir de nouveaux dirigeants pour la plupart inconnus il y a quelques années. Les causes sont nombreuses mais identifiables : échec des gouvernements de centre droit ou de centre gauche, immigration massive, poids de l’Union européenne, asphyxie fiscale… Nous partageons depuis longtemps la lutte contre ces fléaux, on peut donc dire que nous nous nourrissons aux mêmes sources que le populisme. Mais nous ne sommes pas candidats à des élections, la comparaison s’arrête donc là. Nombre de médias qui naissent se situent sur une ligne conservatrice. Comment l'expliquez-vous ? La droite est-elle en train de gagner le combat culturel ? Ce qui est certain, c’est que la gauche l’a perdu. Quant à la droite, elle l’a sans doute gagné dans les esprits mais ne réussit pas à trouver une traduction politique, c’est donc un semi-échec. Vous avez raison, l’émergence de nouveaux médias de droite est un bon signe de vitalité. La raison de ce sursaut tient sans doute à l’évolution de l’opinion sur ces sujets : il y a un public à aller chercher, certains s’y engouffrent, c’est tant mieux. Mais nous sommes loin de l’hégémonie de la gauche dans les années 70. Eric Zemmour est combattu avec une violence rare, les postes de direction des grandes chaînes restent pour la plupart entre les mains de personnalités de gauche, les rédactions ne sont pas majoritairement de droite, les Charlotte d’Ornellas, Eugénie Bastié, Alexandre Devecchio restent des exceptions dans le milieu médiatique. L.M et H.G, étudiants de l’ISSEP